samedi 21 mars 2009

L’eau, droit ou besoin humain?


La partie ministérielle du Forum mondial de l’eau, où une centaine de pays sont représentés, a débuté vendredi après-midi à Istanbul en l'absence d'accord sur le contenu de la déclaration finale, qui doit être publiée dimanche, Journée mondiale de l'eau.
Le texte bute sur un mot. La dernière version du projet de déclaration, négocié depuis de longs mois, stipule que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est un "besoin humain fondamental", et non pas un "droit".
"La différence est fondamentale !", explique Anil Naidoo, de l'ONG BluePlanet Project. "Légalement, un besoin humain n'a aucune valeur. C'est enfoncer des portes ouvertes", ajoute-t-il, soulignant qu'au moins 30 pays ont aujourd'hui intégré la notion de droit à l'accès à l'eau dans leur constitution.
Vendredi, la France a clairement indiqué qu'elle souhaitait que le texte soit renforcé sur ce point. Les Etats-Unis, le Brésil et l'Egypte font partie des pays qui s'y sont opposés lors des discussions préparatoires.
"Nous avons pris la décision de rouvrir les débats. Nous souhaitons que cela puisse figurer dans la déclaration. Nous y tenons", a déclaré à l'AFP la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno.
"Comment parler de droits de l'Homme si on ne parle pas de droit à l'accès à l'eau ? C'est le droit qui conditionne tous les autres", a-t-elle ajouté, prenant soin de préciser que cette notion n'était pas synonyme de gratuité de l'eau. 
"La France, avec l'Espagne (...) souhaite aller le plus loin possible dans ce domaine tout en gardant une cohérence européenne", a de son côté indiqué le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo.
Lors de la séance plénière, le ministre équatorien de l'eau, Jorge Jurado, ministre, a souligné avec force que son pays reconnaissait "l'eau comme un droit de l'Homme fondamental".
A Strasbourg, le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Lluís Maria de Puig, a de son côté appelé les 47 Etats membres à inscrire "le droit à l'eau pour tous, en quantité, qualité et accessibilité" dans leurs constitutions.
Si la plupart des participants au Forum reconnaissent qu'il est un lieu important d'échanges et de "foisonnements d'idées", de nombreuses voix regrettent que les débats restent trop souvent à l'écart des sujets les plus sensibles.
"Sur plus de 100 sessions, une seule traite des conflits armés", a ainsi regretté Robert Mardini, directeur du département eau et habitat du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). "Cela montre qu'on ne veut pas forcément parler des choses qui fâchent dans ces grands rendez-vous", a-t-il estimé.

Nous ne cessons, sur ce blog, de dénoncer le sous-investissement dont souffre le secteur de l’eau. 

Toutefois, la question du droit à l’eau ne manque pas de poser un grand nombre de problèmes juridiques, financiers et philosophiques.
- Juridiquement, parce qu’on ne peut pas du point de vue du droit défendre un « droit à l’eau » plus qu’à un « droit à l’air » et un « droit à la nourriture » (voire même le « droit à l’énergie »), en qualité et quantité semblablement suffisantes. Ce qui signifie qu’une action judiciaire serait possible contre une instance entravant, ou ne permettant pas d’assurer ce droit. On est en plein dans la problématique soulevée lors de l’institution en France du « droit opposable » au logement : une chose est de mettre en œuvre une politique garantissant des conditions de vie décentes à tous, une autre de pouvoir attaquer l’état en l’estimant, à tort ou à raison, responsable de la déficience d’infrastructures qu’il ne peut matériellement pas fournir.
- Financièrement, un tel droit demanderait donc la création d’une structure garantissant à l’échelle mondiale les conditions d’exercice de ce droit : la paix armée, la sécurité des personnels, la transparence des flux financiers ; car de fait, il y a des Etats qui ne peuvent assurer par eux-mêmes ces conditions. Imagine-t-on le coût de mise en œuvre de la politique d’ingérence ainsi supposée ? Accessoirement, en assumera-t-on le versant politique ? Par ailleurs, depuis Marx, on connaît la différence entre des droits réels et des droits formels : il ne suffit pas d'institutionnaliser un tel droit pour qu'il soit accordé. Nul besoin de rappeler que le droit à avoir un emploi est constitutionnel en France.
- Philosophiquement, le droit se pose comme la régulation des rapports de violence ; à quelles conditions peut-on considérer que l’inégale répartition de ce que nous offre la nature constitue comme telle une violence ? Par ailleurs, que contient un tel droit ? S'agit-il d'avoir accès à de l'eau potable gratuitement ? Tout le temps ? Potable à quel degré ? 

Cependant, un droit d'accès à l'eau paraît aller dans le bon sens.
D'abord parce qu'il est clair que sans l'accès à l'eau, les autres droits ne peuvent être que virtuels.
Ensuite parce que le manque d'eau et d'assainissement est une honte mondiale, dont on connaît le bilan incommensurablement lourd sans que les conséquences en soient tirées en termes d'action.
Enfin parce que mis à part certains pays, qui s'y opposent par idéologie ou par incapacité technique, tout le monde s'accorde sur cette question, depuis les ONG jusqu'à la plupart des gouvernements en passant par les multinationales de l'eau comme Veolia ou Suez.
Il est aujourd'hui nécessaire de forcer les choses. Oui au droit à l'eau potable et à l'assainissement.

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