Le forum de l’eau s'est achevé dimanche à Istanbul sur une déclaration politique jugée par nombre de participants insuffisamment engagée. C’est également notre opinion.
Adoptée dimanche 22 mars, jour de la cloture du Forum mondial de l’eau et de la Journée mondiale de l'eau, cette déclaration ministérielle formule une série de recommandations, allant de la nécessité de modifier les modes de consommation d'eau, en particulier dans l'agriculture, à celle de collecter et de traiter les eaux usées, au-delà de l'indispensable accès aux toilettes.
Pendant une semaine, sur les rives du Bosphore, ce sont plus de 25.000 personnes qui ont débattu des moyens de protéger et de préserver cette ressource, sous la double pression de la croissance démographique (comme on sait, 9 milliards d'humains en 2050 contre 6,5 milliards aujourd'hui) et du réchauffement climatique.
"Le Bangladesh fait face à des défis effrayants", est venu rappeler Ramesh Chandra Sen, son ministre de l'Eau, évoquant notamment "les inondations, l'érosion des berges".
"L'avenir de l'agriculture est dans une utilisation plus efficace de l'eau", a souligné Jacques Diouf, directeur général de la FAO, rappelant que l'agriculture représentait à elle seule 70% de la consommation mondiale.
Si la semaine a donné lieu à un véritable foisonnement d'idées et d'échanges, mettant en relief le lien étroit entre eau, énergie et alimentation, son épilogue a laissé un goût amer.
Tous les participants ne partageaient pas, loin s'en faut, la position du ministre turc de l'Environnement, Veysel Eroglu, selon lequel la déclaration finale est "un document important qui servira de repère".
La France, l'Espagne et plusieurs pays d'Amérique latine et d'Afrique ont tenté, en vain, de faire modifier le texte afin qu'il stipule que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement est un "droit" humain fondamental et non pas seulement un "besoin", comme cela a été retenu dans le texte de la déclaration finale.
Une vingtaine de pays - parmi lesquels l'Espagne, l'Afrique du Sud ou le Bangladesh - ont signé dimanche une déclaration dissidente, selon un délégué vénézuelien.
"Je suis déçue, car je pense que c'est un droit très important", a réagi la secrétaire d'Etat française à l'Ecologie, Chantal Jouanno. "Il est choquant de voir que, pour la première cause de mortalité dans le monde, il n'y a pas plus de mobilisation politique", a-t-elle regretté.
Environ 80% des maladies des pays en développement (diarrhées, choléra...) sont liées à l'eau.
Le sénateur français Jean-François Legrand, qui a animé à Istanbul un collège d'environ 300 parlementaires originaires de près de 90 pays, a jugé la déclaration ministérielle "incolore, inodore et sans saveur". Le Partenariat français pour l’eau a lui aussi déploré que la notion de droit à l’eau ne figure pas dans la déclaration finale, ce qui montre le soutien large que l’idée obtenait, puisque le Partenariat rassemble 33 membres, parmi lesquels des ONG (Action contre la faim, Secours catholique, Coalition Eau des ONG…), des entreprises (Veolia et Suez par l’intermédiaire de la FP2E – Fédération des entreprises professionnelles de l’eau…), les organisation représentantes des collectivités territoriales, les agences de l’eau, etc.
Plusieurs ONG ont regretté que les débats sur la "diplomatie de l'eau" n'aient pas progressé de manière sensible.
"Les conflits liés à l'eau peuvent survenir à tous les niveaux", a rappelé l'ONU dans un rapport extrêmement clair quelques jours avant le début du Forum. "Des conflits locaux liés à l'irrigation sont fréquents (...) des conflits se produisent aussi au niveau des cours d'eau transfrontalier".
La France avait annoncé avant le Forum son intention de ratifier la convention des Nations Unies sur les cours d'eau transfrontaliers, adoptée en 1997 mais qui n'est toujours pas entrée en vigueur, faute d'avoir atteint la barre des 35 ratifications nécessaires.
Les villes de Marseille et Durban, en Afrique du Sud, sont en lice pour accueillir la prochaine édition du Forum, en 2012.
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