jeudi 25 juin 2009

L’eau en République démocratique du Congo

Voici quelques éléments issus du site internet de la Croix Rouge.


5-06-2009 Éclairage

République démocratique du Congo : Rachel, ou le poids de l'eau

Conséquence des nombreuses vagues de déplacement, la population de la ville de Goma, capitale du Nord-Kivu, a presque triplé depuis 1994. Les infrastructures d’eau n'étant pas prévues pour un tel essor, plus de la moitié des habitants ne bénéficie pas d'un accès régulier à l'eau potable. Cet état de fait engendre maladies et mauvaise hygiène, notamment chez les déplacés qui ont trouvé refuge en ville. Portraits de trois d'entre eux, qui luttent au quotidien pour se procurer de l'eau propre.


6 h du matin à Kasika, un des quartiers les plus pauvres de Goma

Pieds nus sur les pierres volcaniques, à peine réveillée, Rachel attache son bidon sur le dos. Droit devant elle, dans la brume, se dresse un labyrinthe de ruelles boueuses. Il lui faudra marcher deux heures avant de pouvoir remplir son bidon d'eau sur la rive du lac Kivu.

Rachel est une fillette de 12 ans, un peu timide, un peu rêveuse, hantée par le lointain souvenir de son village vert dans les collines de Masisi, qu'elle a dû quitter pour fuir le conflit qui ravage son pays depuis tant d'années. Depuis cinq mois, Rachel, sa famille et plus de 500 autres déplacés originaires de la même région ont trouvé refuge à Goma, sous le toit troué d'un grand bâtiment endommagé par l'éruption volcanique en 2002.

La nuit, tous les habitants dorment serrés les uns contre les autres, à même le sol. La journée, la plupart des adultes partent à la recherche d'un gagne-pain, tandis que les enfants, petits et grands, empruntent la longue route de l'eau.

« Nous avons préféré venir en ville plutôt que de rester dans les camps de déplacés, parce qu'ici mes parents peuvent trouver plus facilement du travail », explique la jeune fille. « Mais c'est difficile de survivre, très difficile. »

Un des grands problèmes, que ces déplacés partagent avec quelques milliers de résidents du quartier, c'est l'accès à l'eau potable. Comme Kasika n'est pas approvisionné, ses habitants ont un choix bien limité : acheter à des revendeurs de l'eau à des prix exorbitants ou aller la puiser dans le lac Kivu.

L'eau du lac, elle, est gratuite, mais sujette aux contaminations par les déchets de la ville. Là où vit Rachel, plusieurs déplacés sont allongés sur le sol poussiéreux, souffrant de douleurs abdominales et de diarrhée.

En outre, la route du lac étant longue, la quantité d'eau qu'on peut ramener à chaque fois est limitée et, malheureusement, jamais suffisante pour permettre de se laver, nettoyer la vaisselle et maintenir la propreté des lieux. Faleke, une cousine de Rachel âgée de 5 ans, montre tristement ses mains couvertes de plaies. Conséquence d'une mauvaise hygiène, la galle ronge lentement son corps.

8 h du matin, quartier de N'dosho

Comme chaque matin, Elisabeth, 58 ans, une autre rescapée des combats dans la zone de Masisi, entame les préparatifs quotidiens du musururu – une bière locale à base de sorgho –, dont la production lui permet de gagner sa vie dans la grande ville.

« J'ai eu beaucoup de chance », raconte-t-elle. « Quand je suis arrivée ici il y a deux ans, j'avais tout perdu. J'étais tellement malade que je marchais à peine. Je n'aurais pas pu faire la route du lac pour chercher de l'eau. Maintenant, grâce aux réservoirs d'eau construits par le CICR, je peux puiser suffisamment pour boire, pour me laver et même pour faire tourner ma petite affaire de musururu."

Dans cette partie de Goma, plus de 250 000 personnes – un tiers de la population de la ville – bénéficient d'un accès régulier l'eau potable, grâce au système d'approvisionnement mis en place par le CICR. Ce réseau est cependant très éloigné du quartier de Kasika et de la route de Rachel...

10 h du matin, au bord du lac Kivu

Rachel arrive essoufflée avec son bidon de 10 litres sur la plage publique. C'est un des rares lieux de la ville avec accès direct au lac, la côte de Goma étant presque entièrement construite avec des habitations privées.

Pieds dans l'eau, la fillette taille sa route au milieu d'une centaine de femmes et d'enfants, déplacés et résidents, tous venus avec le même objectif. Les vagues renversent un garçon alors qu’il tente désespérément de remplir un bidon presque aussi grand que lui.

« Avant-hier, une petite fille qui vivait dans notre maison s'est noyée ici. Ça arrive très souvent parce que l'eau du lac n'est pas bonne », explique Rachel. « Cette eau peut emporter les enfants et également donner des maladies. Si j'avais le choix, je ne viendrais jamais chercher de l'eau ici. Mais… c'est comme ça. »

Elle hausse les épaules, puis s'engage sur le chemin du retour, courbée sous le poids de l'eau.

http://www.cicr.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/congo-kinshasa-feature-050609?opendocument


5-06-2009 Interview

République démocratique du Congo : un plan d'approvisionnement en eau pour Goma

Avec le soutien du CICR, la capitale du Nord-Kivu s'est dotée, pour la première fois de son histoire, d'un plan de développement du réseau d'eau potable pour l'ensemble de ses habitants. Si le projet aboutit, plus de 740 000 personnes bénéficieront d'une eau en qualité et quantité suffisantes. Marc Suchet, chargé des activités « eau et assainissement » du CICR dans la région, explique pourquoi un plan global et durable vaut mieux qu'une multitude de projets réalisés dans l'urgence.


Marc Suchet, responsable des activités « eau et assainissement » du CICR au Nord-Kivu.


Quels sont les problèmes d'accès à l'eau pour les habitants de Goma ?

Actuellement, la situation est alarmante : plus de la moitié de la population de Goma n'est pas desservie en eau potable.

Les résidents se débrouillent soit en allant chercher de l'eau directement au lac, soit en l'achetant à des revendeurs à un prix dix fois supérieur à celui pratiqué par l'entreprise publique Regideso, chargée de l'approvisionnement en eau dans les centres urbains du pays. Il y a également des organisations humanitaires qui distribuent de l'eau avec des camions citernes, mais la quantité reste toujours insuffisante.

La consommation d'eau issue directement du lac ou de points d'eau contaminés par les déchets génère des maladies, qui peuvent donner naissance à des épidémies.

Pourquoi et comment le CICR s'investit-il dans l'approvisionnement en eau d'un centre urbain comme Goma ?


©CICR / P. Yazdi

La consommation d'eau issue directement du lac Kivu génère des maladies, qui peuvent donner naissance à des épidémies.

Les problèmes d'accès à l'eau à Goma font partie des conséquences humanitaires des conflits qui se sont succédés dans la région. Depuis 1994, des milliers de civils ont cherché refuge et travail dans la capitale provinciale. La démographie de la ville a explosé, mais l'infrastructure n'a pas suivi. De plus, le désordre engendré par le manque de stabilité sécuritaire et économique fait que le réseau d'eau est mal entretenu et en constante dégradation.

Le CICR travaille avec la Regideso sur des projets d'approvisionnement en eau à Goma depuis 1997. Au total, le CICR a investi plus de 850 000 francs suisses dans des projets qui ont pour but d'y améliorer l'accès à l'eau potable. Grâce à la construction, en 2007 et 2008, de la station de pompage de Kesheyro et de deux réservoirs à N'dosho, plus de 250 000 habitants bénéficient déjà d'un accès régulier à l'eau potable.

Comme d'autres organisations, nous avons également réalisé un grand nombre d'actions d'urgence. Mais dans une ville comme Goma, qui compte aujourd'hui plus de 600 000 habitants, il est important de réfléchir sur la durée pour éviter de devoir tout le temps parer à l'urgence.

Pour contribuer à cette réflexion sur la durée, le CICR a initié un plan d'approvisionnement en eau pour l'ensemble de la ville. De quoi s'agit-t-il exactement ?

Nous avons tout d'abord étudié l'état du réseau. Nos ingénieurs ont rassemblé des informations sur les stations de pompage et sur plus de 75 km de tuyaux, afin de réaliser une simulation informatique du réseau.

Nous avons ensuite étudié les possibilités de concevoir de nouveaux réservoirs, stations de pompages et canalisations, selon les besoins et la croissance présumée de la population.

Le résultat a été une simulation virtuelle d'un système d'approvisionnement en eau potable pour l'ensemble des habitants de Goma en 2015, basée sur une croissance démographique annuelle de 3 %.

Quelle est l'utilité immédiate de ce plan ?

Ce plan sera utile pour la Regideso, mais aussi pour toute organisation humanitaire qui souhaite développer des projets d'eau à Goma, y compris le CICR. Si chaque organisation entreprend des travaux en fonction d'objectifs limités - alimenter un quartier par exemple - sans qu'ils ne s'inscrivent dans une réflexion globale pour l'ensemble de la ville, nous verrons alors apparaître une multitude de projets sans cohérence. Ils fonctionneront quelques années, puis devront être recommencés lorsqu'on voudra alimenter d'autres quartiers, ou lorsque la population aura augmenté ou la ville se sera développée. De nouvelles dépenses seront alors nécessaires.

Une multitude de projets qui fonctionnent mal représenteront, au final, un investissement bien supérieur. Il est donc préférable d'investir, maintenant,sur l'alimentation de toute la ville, même si les dépenses initiales paraissent importantes.

Comment ce plan va t'il devenir réalité ?

La Regideso va devoir trouver des investissements. Le coût de réalisation dépasse les 13 millions de dollars. Ce montant semble important mais représente en réalité moins de 20 dollars par habitant. Compte tenu de son importance pour la population, nous sommes très optimistes sur l'avenir de ce projet.

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