vendredi 12 juin 2009

La pauvreté énergétique et le réchauffement climatique au cœur du sommet de Nairobi

Le ministre français de l'écologie, Jean-Louis Borloo, a annoncé, jeudi 28 mai, à Nairobi, lors de la réunion des ministres africains de l'environnement, une "initiative" sur l'énergie. Intitulée, en anglais, "Energizing Africa : from Dream to Reality" ("Apporter l'énergie à l'Afrique : du rêve à la réalité"), le plan vise à développer l'électricité sur le continent africain tout en luttant contre le changement climatique.

L'enjeu de l'électrification est crucial : sur près de 930 millions d'Africains, 530 millions n'ont pas accès à l'électricité. Ils vivent le soir dans l'obscurité et dépendent de la biomasse pour leurs besoins quotidiens.

Le manque d'électricité est un handicap pour le développement économique, freine l'éducation des enfants (qui ne peuvent faire leurs devoirs scolaires la nuit tombée) et aggrave les problèmes de santé. Selon Lionel Taccoen, de l'association Global Electrification, les trois quarts de la population subsaharienne n'ont pas accès à des centres de santé alimentés de façon sûre en eau et en électricité.

Même quand l'électricité est présente, dans les villes, la vétusté ou l'insuffisance des équipements de production ou du réseau conduisent à de fréquentes coupures de courant. Par exemple, "en mars 2007, le président togolais n'avait pu remettre la Coupe d'Afrique de football au stade de Kégué, à Lomé, suite à une coupure d'électricité", poursuit Lionel Taccoen.

Quant au manque de combustible pour la cuisson des aliments, il contribue à la déforestation : selon le rapport sur "La situation des forêts du monde", publié par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), "en Afrique, près de 90 % du bois prélevé est transformé en énergie".

Le problème énergétique africain est donc vital. Le 24 mai, les ministres de l'énergie du G8 se sont engagés à Rome "à des actions résolues sans délai" pour s'attaquer à la "pauvreté énergétique". L'initiative française présentée à Nairobi vient donc à point.

Elle comporte deux étapes : lancer rapidement, avant 2012, une série de projets pilotes, préparant un programme plus large pour la suite, ayant pour objectif "l'accès à l'énergie propre de tous les Africains". La démarche pourrait s'articuler avec l'accord global sur le changement climatique que la communauté internationale espère finaliser à Copenhague, en décembre.

Les idées de projets ne devraient pas manquer : "L'Afrique a un potentiel fantastique dans les énergies renouvelables : géothermie, barrages, solaire, etc., observe Denis Loyer, de l'Agence française de développement (AFD). Mais ce potentiel reste inutilisé."

C'est que sa mise en oeuvre requiert des financements, mais aussi des organisations ou des entreprises compétentes. Dans cet esprit, l'initiative française envisage des projets pilotes en matière d'électricité rurale (systèmes solaires photovoltaïques, miniturbines hydroélectriques, cogénération avec du bois) ; de lutte contre les coupures électriques (en identifiant les gisements d'économies d'énergie) ; de réduction de la consommation de bois (par des foyers de cuisson améliorés) ; de développement de l'hydroélectricité (sur le Congo, le Zambèze, le Nil, le Niger) et de la géothermie (notamment dans le Rift est-africain).

Le chantier est énorme : "400 milliards d'euros sur vingt-cinq ans", avance M. Borloo. La modestie des moyens mobilisés par la France n'en est que plus criante : le gouvernement a décidé d'injecter dans la démarche 10 millions d'euros seulement, espérant que l'Union européenne coopérera au projet. Quoi qu'il en soit, cette initiative cache mal le recul de l'aide au développement accordée par les Européens.

Selon un rapport du réseau des associations de solidarité Coordination Sud, l'aide publique française est toujours en deçà (0,28 %) de son objectif de 0,51 % du produit intérieur brut (PIB). De surcroît, "l'Afrique subsaharienne est très peu présente parmi les principaux bénéficiaires de l'aide française". Toujours selon Coordination Sud, "l'Afrique fait les frais des arbitrages politiques et du recul des engagements de la France".

Dans ce contexte, les ministres africains de l'Environnement ont adopté une position commune dans la perspective du sommet mondial sur le climat à Copenhague en décembre, appelant une nouvelle fois les pays du Nord à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils plaideront notamment lors de cette rencontre pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés de 25 à 40% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.

L'Afrique, qui est de tous les continents le plus faible émetteur de gaz à effet de serre, est particulièrement vulnérable aux conséquences du réchauffement climatique.

Les ministres ont également appelé à plus de financements et de transferts de technologies en faveur des énergies propres.

"Plus que toute autre chose, nous aurions souhaité une volonté politique forte du monde développé et je ne suis pas sûre qu'elle existe", a regretté la ministre sud-africain de l'Environnement Buyelwa Sonjica.

La Conférence ministérielle africaine sur l'environnement, qui s'est tenue vendredi à Nairobi, a également appelé les pays du G8 à appuyer et mettre en oeuvre la création d'un centre régional sur le changement climatique en Afrique.

Jean-Louis Borloo, a assuré ses homologues africains du soutien de l'Europe en matière de réchauffement climatique.

"Nous devons absolument rester dans la feuille de route de Bali. C'est à dire que les pays industrialisés doivent réduire avant 2020 leurs émissions de 25 à 40% (...). L'Europe va le faire. L'Europe demande aux Etats-Unis et au Canada de le faire (...), mais vis-à-vis de l'Afrique, on doit respecter le 25-40%", a-t-il déclaré.

"Il ne faut pas que le prétexte de la crise (financière mondiale) retarde les pays industrialisés", a-t-il ajouté.

La commissaire de l'Union africaine pour l'Agriculture, Rhoda Tumussime, a de son côté estimé que le continent avait "le droit moral de demander des compensations aux pays qui ont le plus contribué au problème du réchauffement climatique".

"Il est extrêmement injuste que l'Afrique souffre de problèmes auxquels elle n'a quasiment pas contribué", a-t-elle ajouté.

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