mardi 9 septembre 2008

La préservation des forêts tropicales, une priorité mondiale



Selon le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la part de la déforestation représente environ 2O % des émissions de carbone mondiales et les émissions directes issus de l’exploitation des terres et de la forêt ont cru de 40% entre 1970 et 2004 (combustion, dégradation de la biomasse, de la tourbe et déforestation). Une des recommandations du Groupement d’experts climatiques pour atténuer le réchauffement planétaire est donc de réduire les émissions issues de la déforestation, notamment sous les tropiques, dans les pays en voie de développement comme le Brésil, en Afrique subsaharienne et en Indonésie, où la croissance démographique et le développement économique vont continuer d’exercer une pression croissante sur la forêt.

Les forêts tropicales couvrent 1,681 millions d’hectares dont environ 900 millions en Amérique du Sud, 500 millions en Afrique et 260 millions en Asie. Les taux de déforestation actuels varient de 1.1% en Asie à 0.7% en Amérique latine et en Afrique. Les forêts primaires constituent des réservoirs stables de carbone, alors que les jeunes plantations et forêts en reconstruction fixent le dioxyde de carbone de l’air sous forme de carbone organique. D’autre part, les incendies et la combustion du bois correspondent à des libérations de carbone dans l’atmosphère tandis que les usages qui prolongent l’existence du bois en retardent la restitution. Les forêts tropicales renferment 45 % des 958 milliards de tonnes de carbone présents dans les écosystèmes forestiers.

Une étude publiée en avril 2007 dans le PNAS (Proceedings of the National Academy of sciences) a montré que planter et préserver des forêts tropicales pourraient ralentir le réchauffement climatique, alors que planter des forêts dans les hautes latitudes pourrait contribuer au réchauffement. Cette étude, menée par des chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL), prouve que seules les forêts tropicales sont fortement bénéfiques au ralentissement du réchauffement global car non seulement elles absorbent le gaz carbonique mais elles favorisent également les nuages qui aident à refroidir la planète.

Une autre étude publiée le 23 juillet 2008 dans le PNAS estime qu’un milliard de dollars par an pourrait permettre de réduire de 10 % la déforestation tropicale, évitant l’émission d’environ un demi-milliard de tonnes de carbone par an pour les 25 prochaines années. Le rapport coût/efficacité d’une telle mesure de préservation de la forêt tropicale serait, selon cette étude, bien supérieure à celui des technologies propres mises en oeuvre par les pays développés pour limiter à grand frais leurs émissions de CO2.

Nombres d’études convergent pour confirmer le rôle majeur des forêts tropicales sur l’atmosphère et le climat. Selon le climatologue Ken Caldeira, "les forêts tropicales agissent comme un véritable climatiseur de la Terre". Il faut en outre rappeler le rôle essentiel des forêts tropicales, et notamment des forêts denses humides, dans la préservation de la biodiversité : ces forêts abritent plus de 80 % de la diversité spécifique terrestre. Aujourd’hui, cette richesse est menacée. Selon la FAO, le quart de la diversité biologique de la planète risque de disparaître d’ici à 2020. L’urgence des mesures à prendre contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité commence heureusement à faire évoluer l’opinion et les positions de la communauté internationale sur cette question complexe de la réduction des émissions liée à la déforestation et la dégradation des forêts tropicales.



Un pas décisif a été franchi en 2006, avec les contributions de la Banque Mondiale, de Sir Nicholas Stern (économiste britannique et ancien Vice président de la Banque Mondiale) et enfin du GIEC cette année, qui dans son 4ème rapport souligne que : « 65% du potentiel d’atténuation globale du carbone se situe sous les tropiques et 50% de l’ensemble pourrait être réalisé en réduisant les émissions de déforestation ». Dans son rapport révolutionnaire de 2006, Nicolas Stern désignait la réduction de la déforestation comme une mesure " rentable du point de vue économique" pour atténuer le changement climatique. Ainsi estimait-il qu’il en coûterait entre 10 et 15 milliards de dollars (6,4 à 9,7 milliards d’euros) chaque année pour diminuer de moitié la déforestation d’ici à 2030.

L’idée d’émettre des REDD (réduction d’émissions issues de la déforestation et de la dégradation tropicale) sur les marchés du carbone fait donc son chemin. La Bolivie a été la première à présenter des résultats mesurables et certifiés à la manière des MDP (Mécanismes de développement propre du protocole de Kyoto) sur le projet expérimental du Parc Noël Kempff. Depuis le sommet de Bali, le principe de la Réduction des Emissions liée à la Déforestation et la Dégradation des forêts tropicales (REDD) et de son intégration dans le cadre de la Convention Cadre Changement Climatique est admis. Les pays tropicaux vont ainsi pouvoir valoriser à travers les différents marchés du carbone leurs efforts REDD.

Le projet des REDD est très novateur car il permet simultanément, et de manière synergique, de lutter contre le changement climatique, de réduire la pauvreté et de sauvegarde de la biodiversité.

Une des réticences à donner trop d’importance à la forêt dans le marché carbone est liée à la peur de voir les pays industrialisés diminuer leurs efforts dans leurs propres réductions d’émissions, en achetant des crédits à bas prix, issus de la forêt tropicale. Mais depuis 1990, la situation a changé : le Protocole de Kyoto prend fin en 2012 et les objectifs de 2020, 2030 et 2050 définis à Bali sont bien plus ambitieux et vont inclure tous les pays émergents qui seront attendus sur leurs engagements. Les objectifs de réduction fixés impacteront alors le prix de la tonne de carbone. Une étude récente du Centre européen d’études économiques (ZEW) montre que la limitation des émissions de gaz à effet de serre permise par la protection de grandes zones de forêts tropicales permet de préserver le climat non seulement efficacement mais aussi économiquement. Une intégration de ces forêts dans le marché international des droits d’émissions profiterait, à long terme, aussi bien aux pays industrialisés qu’aux pays en développement.

Jean Louis Borloo, Ministre Français de l’Ecologie et du Développement Durable entend avec raison placer la préservation des forêts tropicales parmi les priorités de la présidence Française de l’Union Européenne. Il souhaite notamment "que les textes relatifs aux compléments législatifs de la certification européenne FLEGT et à la déforestation évités trouvent le meilleur consensus et aboutissent rapidement. " Il s’est également prononcé pour une interdiction totale du bois non certifié en Europe. La mise en place de mécanismes internationaux pour fournir une compensation aux pays qui protégeraient leurs forêts au détriment de leurs impératifs économiques et l’évaluation économique des actions de "déforestation évitée" sont à présent reconnues comme des priorités mondiales et doivent devenir, au même titre que le développement des énergies renouvelables et des technologies propres, des axes majeurs de la politique européenne en matière d’environnement et d’aide au développement.

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