mercredi 6 janvier 2010

Le Sud face à la crise

La crise n’a pas de frontières. Cantonnée dans un premier temps aux pays riches (Etats-Unis et Europe en tête), elle s’est rapidement répandue tel un virus aux pays en développement (PED). Dominant les débats au début du séisme financier, l’hypothèse d’un « découplage » entre économies du Nord et du Sud n’est donc désormais plus d’actualité. Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant : les vagues successives de libéralisation financière et commerciale liées au processus de globalisation ont rendu les économies en développement fortement vulnérables aux chocs externes.
Certes, la crise ne frappe pas l’ensemble des PED avec la même intensité. Pour ceux qui disposent d’excédents commerciaux élevés grâce à leurs exportations, la récession est plus facile à affronter. C’est surtout le cas des économies émergentes telles que la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore l’Indonésie. Par contre, pour les pays à faible revenu, la pilule de la crise est nettement plus amère. En effet, dans le cas de l’Afrique sub-saharienne, les Nations-Unies déplorent qu’en raison de la récession actuelle : « la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015 est devenue pour ainsi dire impossible ».
Néanmoins, si elle les affecte de façon différenciée, la crise emprunte des canaux similaires pour s’étendre aux pays en développement. La première courroie de transmission est l’effondrement des échanges commerciaux. En effet, l’éclatement de la récession dans les pays industrialisés a provoqué un effondrement de leur taux de consommation qui, par voie de conséquence, s’est traduite par une chute des revenus d’exportation des PED. Les économies émergentes, par exemple, ont été particulièrement touchées par la baisse de la demande globale de biens de consommation durable et de biens d’équipement. Dépendant de leurs exportations de matières premières, les pays les plus pauvres ont été, quant à eux, durement affectés par l’effondrement du prix de ces dernières. Le deuxième canal de propagation de la crise vers les PED est le tarissement des flux financiers. Après avoir atteint un niveau record de 1029 milliards de dollars en 2007, les entrées de capitaux privés devraient en effet tomber à 363 milliards de dollars en 2009. En cause : la décision des investisseurs étrangers (banques, fonds de pension, fonds spéculatifs, etc.) de revendre une partie de leurs actifs pour éponger leurs pertes gigantesques liées à la crise des subprimes.
L’année 2009 a donc été particulièrement difficile pour les PED. En annonçant les prémices d’une reprise dès 2010, les organisations internationales se veulent néanmoins rassurantes. Ainsi, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance de l’économie mondiale de 3,1% en 2010, après un recul de 1,1% du PIB mondial en 2009.
Pourtant, la perspective d’un rebond économique doit être sérieusement mise en question pour trois raisons principales. Tout d’abord, sur le plan bancaire, malgré des profits substantiels enregistrés ces derniers mois, les banques regorgent encore de produits toxiques qui plombent leurs bilans et rendent incertain la reprise du crédit. En effet, ces dernières n’ont comptabilisé pour l’instant que 40% des pertes qu’elles devront finir par prendre en compte. Deuxièmement, sur le plan commercial, bien que la Chine et l’Asie émergente enregistrent actuellement une reprise, leur poids économique n’est pas suffisant pour tirer seul l’économie mondiale. En outre, il y a lieu de s’interroger sur la capacité des pays riches – plombés par l’endettement – à absorber les exportations asiatiques avec autant d’entrain qu’avant la crise. Enfin, même si la reprise devait s’installer en 2010, elle finirait par déboucher tôt ou tard sur de nouvelles crises systémiques. En effet, compte tenu de l’absence de mesure ambitieuse pour re-réguler les marchés financiers, rien n’empêche aujourd’hui les banques de s’engager dans les mêmes opérations risquées qui ont conduit à la crise actuelle. Il semble d’ailleurs que les injections massives de milliards de dollars effectuées par les Etats et les banques centrales pour sauver le secteur financier aient déjà conduit à l’émergence de nouvelles bulles spéculatives. En effet, depuis le second semestre 2009, les cours ont flambé de façon concomitante sur les marchés boursiers (en particulier en Asie), obligataires (notamment sur les emprunts d’Etat) et des matières premières (y compris les produits agricoles). Il s’agit bien de spéculation car ces hausses sont déconnectées de la réalité économique. Ces bulles finiront donc probablement par éclater, avec tous les dégâts sociaux et économiques qu’une telle issue implique.

Reprise ou pas, le système financier ne peut pas se passer d’une refonte en profondeur, au risque de s’effondrer encore plus violemment. Les mesures entérinées par les leaders du G20 sont cependant bien trop timides pour garantir une sortie de crise écologiquement soutenable et socialement équitable. En outre, les pays les plus pauvres ont à nouveau été largement oubliés par les leaders mondiaux. Ils sont pourtant les premières victimes d’une crise dont ils ne sont pas à l’origine. Pour leur assurer les moyens de sortir de la récession et de financer leur développement, les cinq champs d’action suivants devraient être envisagés à court et moyen terme :
- Augmenter l’aide non créatrice de dettes, ce qui implique que les pays donateurs maintiennent leur engagement de consacrer 0,7% de leur RNB d’ici 2015 à l’aide publique au développement ;
- Annuler la dette des pays en développement ;
- Instaurer une taxe sur les transactions financières pour financer le développement ;
- Enrayer la spéculation sur les marchés agricoles ;
- Lutter contre la fuite de capitaux.

source : CNCD

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Partager cette information

http://www.wikio.fr