mardi 21 juillet 2009

Aide au développement : l’enjeu du financement

L'aide au développement a atteint un nouveau record en 2008. En temps de crise, c'est une bonne nouvelle, mais comment maintenir cette tendance ?
En 2008, l'aide publique au développement nette totale (APD) en provenance des pays membres du Comité d'aide au développement (CAD) a augmenté de 10,2 % en termes réels, pour atteindre 119,8 milliards de dollars. C'est le chiffre annuel le plus élevé jamais atteint, qui représente 0,3 % du revenu national brut cumulé des membres du CAD.
Cette nouvelle encourageante, assez inattendue, intervient alors que les premiers effets de la crise économique mondiale ont été ressentis début 2008. Étant donné que le processus d'allégement de la dette arrivait à terme pour certains pays bénéficiaires, une diminution de facto de l'aide n'aurait pas été surprenante. Mais l'heure n'est pas à la complaisance. Au contraire, la crise contraint les pays développés à des arbitrages budgétaires difficiles, dont l'aide extérieure pourrait être victime.
La crise économique mondiale touche déjà les populations les plus vulnérables qui, après avoir été pénalisées par la hausse des prix de l'alimentation et du carburant au début de 2008, doivent faire face aux conséquences de la baisse de certains prix sur leurs revenus, et d'un ralentissement des échanges mondiaux. Si les pays donneurs ne respectent pas leurs engagements en matière d'aide, les risques vont s'accentuer.
« Ne pas réussir à rendre la mondialisation bénéfique, pour les pays en développement surtout, risque de porter atteinte à la stabilité mondiale, » peut-on lire dans le Rapport 2009 sur la coopération pour le développement, publié récemment.
Pour prévenir ce risque, le Secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, et le Président du Comité d'aide au développement de l'OCDE, Eckhard Deutscher, ont appelé les pays donneurs à honorer leurs engagements en matière d'aide.
« Employons-nous à ne pas répéter les erreurs que nous avons pu commettre dans le passé à la suite de la récession du début des années 1990, lorsque les gouvernements de nombreux pays de l'OCDE n'ont pas su éviter un recul de l'effort d'aide, avec les conséquences qui pouvaient en découler pour les pays en développement en termes de production agricole, d'infrastructures, de bienêtre social et de stabilité politique, » ont-ils prévenu.
Les pays devraient écouter ces mises en garde, même si les montants d'aide programmés laissent entrevoir de modestes augmentations en 2009 et 2010. Aujourd'hui, la situation reste particulièrement critique en Afrique, où les avancées récentes sont fragiles. De fait, les prévisions de l'OCDE pour l'Afrique sont largement revues à la baisse.
Cependant, l'OCDE a rappelé que les pays pétroliers africains devraient moins parier sur un cours élevé des produits de base, et privilégier la diversification de leurs économie ainsi que la lutte contre la corruption. En six mois, les prix pétroliers ont plongé.
D'autres organisations internationales appellent également au respect des engagements, en particulier en Afrique, qui commence à ressentir l'onde de choc de la crise.
« Même si la crise a été longue à atteindre les rivages africains, nous savons tous qu'elle arrive - et que son impact sera considérable, » a prévenu Dominique Strauss-Kahn, le Directeur général du FMI, lors d'une conférence en Tanzanie en mars. À défaut de nouvelles mesures, la récession mondiale pourrait mener à une catastrophe humanitaire en Afrique. Car la crise ne menace pas seulement de ralentir la croissance du continent et d'y fragiliser les finances publiques, mais surtout de faire retomber des millions de personnes dans la pauvreté.
Les Perspectives économiques en Afrique 2009 de l'OCDE, qui ont été publiées en mai, font écho à ces mises en garde, avec des prévisions de croissance révisées nettement à la baisse par rapport à l'édition 2008.
Certes, l'Afrique est moins touchée par la crise que d'autres régions, mais maintenir les progrès récents sera une gageure, par exemple dans les programmes de lutte contre la pauvreté et d'investissement dans les infrastructures, ou encore en matière de gouvernance et d'innovation. L'aide financière représente en effet une part essentielle de ces programmes.
En outre, la crise économique fragilise les progrès visant à réduire l'extrême pauvreté de moitié d'ici 2015, l'un des Objectifs du millénaire pour le développement. En 2005, les donneurs présents au sommet du G8 de Gleneagles et au sommet des Nations unies se sont engagés à augmenter leur aide publique au développement de 50 milliards de dollars en 2010 par rapport à 2004, dont 25 milliards pour l'Afrique.
Les donneurs semblent déterminés. Selon les derniers chiffres du CAD de l'OCDE, le montant des projets et programmes bilatéraux de développement a augmenté de 12,5 % en termes réels en 2008 par rapport à 2007, signe que les donneurs intensifient substantiellement leurs principaux programmes d'aide. En 2008, les donneurs les plus importants, en volume, ont été les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon. Seuls cinq pays ont dépassé l'objectif des Nations unies de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'aide : le Danemark, le Luxembourg, les Pays- Bas, la Norvège et la Suède. L'Irlande devait rejoindre ce groupe d'ici quelques années, mais les graves difficultés économiques qu'elle traverse rendent cette perspective incertaine.
Une nouvelle enquête sur les projets de dépense des donneurs laisse entrevoir une progression de 11 % de l'aide entre 2008 et 2010, y compris du fait des versements de certaines organisations multilatérales. Les allégements de dettes pourraient également augmenter légèrement. Cela dit, malgré l'augmentation de 2008 et les hausses prévues jusqu'en 2010, 10 à 15 milliards de dollars supplémentaires d'aide seront encore nécessaires si les donneurs veulent honorer les engagements pour 2010, et le retard est plus important encore au regard de l'objectif souscrit en 2005 vis-à-vis de l'Afrique. Par exemple, l'APD consentie en 2008 par l'Autriche, l'Italie et la Grèce, hors allégement de dette, est bien en-deçà de l'objectif que s'étaient fixé ces trois pays pour 2010. Et, alors que la crise augmente encore les besoins en aide, notamment pour ses vertus d'amortisseur contra-cyclique, la récession provoque une baisse de la valeur monétaire de l'APD, libellée en dollars.
L'aide est une priorité politique de plus en plus urgente. Non seulement pour conserver l'espoir de réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015, mais aussi pour éviter que la crise actuelle ne compromette gravement les perspectives de développement.

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