mardi 5 mai 2009

Rapport de la Banque Mondiale et du FMI « suivi mondial 2009 : une crise de développement »

Jusqu’à récemment, les économies à faible revenu, qui se trouvent pour la plupart en Afrique subsaharienne, étaient relativement protégées de la crise financière internationale, car leurs banques et leurs bourses étaient éloignées de la débâcle des subprimes (crédits hypothécaires à risque) et de l’effondrement des banques d’investissement.

Pourtant, aujourd’hui, la plupart des régions dans le monde sont confrontées à la récession. Dans les pays pauvres, cela entraîne un effondrement des exportations. Les budgets des gouvernements sont mis à mal, tandis que l’aide étrangère risque de se retrouver à cours de promesses de dons, au moment même où les pays pauvres en ont le plus besoin.

« Oui, nous sommes affectés par la crise financière », assure Tembani Ndeula, un jeune fermier du Malawi.« Notre économie dépend de l’agriculture, et particulièrement de la culture du tabac. Ce qui touche le reste du monde nous touche aussi. Le Malawi va être considérablement affecté par la crise, or nous sommes déjà l’un des pays les plus pauvres du monde ».

Chaque année, la Banque mondiale et le FMI publient le Rapport de suivi mondial (pdf) afin d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des objectifs de développement pour le Millénaire (ODM). Dans sa dernière édition, il parle cette année d’une « crise du développement » et en appelle à une action internationale urgente afin d'éviter que ne s’effritent les progrès difficilement réalisés contre la pauvreté, la faim, l’illettrisme et les maladies.

« À cause de la crise financière, estime Zia Qureshi, principal auteur du Rapport et Conseiller principal de la Banque mondiale, les perspectives concernant la réalisation des objectifs de 2015 sont plus sombres que jamais. Les pays en développement vont avoir besoin d’aide pour surmonter les retombées de la crise car elle commence à restreindre fortement leurs ressources et atteint d’abord les personnes les plus vulnérables. »

La crise alimentaire récente a fait sombrer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté, et avec la perspective d’une croissance très ralentie dans les pays en développement, on s’attend à ce que la réduction de la pauvreté soit freinée. Selon des estimations, le nombre de personnes que la crise financière a entraîné en 2009 dans l’extrême pauvreté varie de 50 à 90 millions .

Dans le monde en développement, le nombre total de personnes vivant en 2009 avec moins de 1,25 dollar par jour devrait s’établir à 1,184 milliard, soit moins que les 1,375 milliard qui étaient estimés en 2005, même si le chiffre total atteint des sommets alarmants .

Le nombre de personnes dans le monde qui souffrent de la faim de manière chronique a augmenté en 2008 avec la crise alimentaire. Il sera supérieur à un milliard en 2009, affectant ainsi les progrès déjà réalisés dans la lutte contre la malnutrition et rendant d’autant plus importants les investissements dans le secteur de l’agriculture.

« Alors que des récessions frappent de manière simultanée toutes les grandes régions du monde », affirme John Lipsky, Directeur général adjoint du FMI, « la probabilité de reprises lentes et douloureuses est bien réelle dans plusieurs pays. De ce fait, la lutte contre la pauvreté constitue un défi qu'il faut relever de manière encore plus urgente ».

« En Afrique, où la plupart des gens travaillent à leur compte, explique Joy Phumaphi, Vice-Présidente chargé du Développement humain à la Banque mondiale, le chômage prend le visage d’une femme qui cultive des légumes pour les vendre sur les marchés, et qui se rend compte que les gens ne peuvent plus les lui acheter. »

« Cette femme est obligée de faire des choix difficiles, comme retirer ses enfants de l’école, attendre qu’un enfant soit très malade avant de l’emmener chez le médecin, ou encore nourrir sa famille avec des aliments de mauvaise qualité, sans la viande ou les légumes dont ils ont besoin.»

On estime qu'entre 200 000 et 400 000 enfants de plus dans le monde pourraient mourir chaque année à cause de la crise, entre 2009 et 2015. Si aucune action n’est entreprise maintenant, ce sont entre 1,4 et 2,8 millions d’enfants supplémentaires qui mourront d’ici 2015 .

Pendant que les familles se battent pour concilier des besoins accrus avec des revenus en baisse, la crise financière affecte également profondément la capacité des gouvernements des pays à faible revenu à répondre aux besoins publics dans des secteurs essentiels.

Dans un autre rapport publié aujourd’hui, qui s’intitule "Éviter la crise humaine", la Banque prévient que dans 23 pays, les programmes de traitement et de prévention du Sida vont être remis en cause d'ici la fin 2009, en conséquence de la crise économique mondiale. Or, 60 % des personnes séropositives et sous traitement anti-rétroviral dans le monde, vivent dans ces 23 pays.

Dans des pays tels que l’Éthiopie, 50% du budget de la santé du gouvernement dépend de l’aide des pays riches.

« Il est urgent que face à de telles menaces, les donateurs honorent, voire même dépassent leurs engagements d’aide », estime Zia Qureshi. « Bien que l’aide officielle totale ait connu entre 2007 et 2008 une augmentation bienvenue de 10%, elle reste cependant très loin des objectifs de 2010 établis lors du sommet de Gleneagles, objectifs qui incluent les engagements spécifiques pour l’Afrique.»

L’efficacité de l’aide est aussi doublement importante alors que les délais d’action sont courts. Il est nécessaire de réévaluer les systèmes existants et les institutions des pays, afin de s’assurer qu’ils travaillent efficacement, en utilisant de manière ciblée les ressources disponibles.

Pour protéger les investissements stratégiques en « capital humain », les pays vont devoir rapidement renforcer les filets de protection sociale, à l'aide par exemple des transferts de fonds ciblés. Cet outil aide les familles pauvres à faire face à une baisse des revenus, sans devoir sacrifier les dépenses liées à l’école et les soins de santé.

Bien que les gouvernements conservent un rôle prépondérant, le secteur privé, qu’il soit lucratif ou non-lucratif, intervient de plus en plus dans la santé et l’éducation. Les fournisseurs privés apportent plus de la moitié des services utilisés pour répondre à des besoins ayant trait aux objectifs de développement pour le Millénaire. De même, dans de nombreux pays en développement, une grande majorité des dépenses de santé provient de sources privées.

Pendant comme après la crise, il serait préférable que les gouvernements continuent à travailler étroitement avec le secteur privé, en tirant parti de sa capacité potentielle à apporter innovation et flexibilité, mais aussi en améliorant leurs propres compétences et capacités dans les domaines de la conclusion de marché, de la surveillance et de la régulation.

Dans le monde entier, les perspectives de rétablissement dépendent de politiques efficaces qui contribuent à redonner confiance dans le système financier, à recapitaliser les banques et à contrer la demande mondiale en baisse. Même si les responsabilités reposent largement sur les pays riches, les pays en développement doivent poursuivre leurs efforts pour améliorer le climat des investissements dans le secteur privé.

Le renforcement du secteur privé pendant la crise, et pas seulement dans les marchés émergents ou les pays à revenu intermédiaire, mais aussi dans les pays plus pauvres, devrait améliorer la croissance future et les perspectives de redressement dans toutes les économies en développement.

« L’Afrique fait partie intégrante de la solution à la crise, affirme Joy Phumaphi, Vice présidente de la BM en charge du développement. Le continent possède un marché en croissance, avec de nombreuses possibilités en termes d’innovation et de nouvelles technologies ; nous devons préserver et protéger cette richesse. Dans le cas contraire, ce serait une chance de perdue pour l’ensemble de l’économie mondiale. »

Toutes les institutions financières internationales s’efforcent de répondre encore plus vigoureusement à la crise pour aider notamment à combler le gouffre financier dans les pays en développement, qui selon certaines estimations, atteindrait mille milliards de dollars. Les pays membres du G-20, qui se sont récemment réunis à Londres, se sont mis d’accord pour soutenir un triplement des ressources du FMI, qui atteignent 750 milliards de dollars, parmi d’autres actions d’application concrète.

Tandis que le FMI s’attaque aux problèmes de la balance des paiements, le Groupe de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales concentrent leurs efforts sur la santé, l’éducation, les infrastructures et le financement du commerce. Ils poursuivent également les efforts entrepris pour combattre le changement climatique et protéger l’environnement, des objectifs qui ne peuvent être laissés à l'écart au cours d’une période d'urgence en matière de développement.

Dans ce contexte, les assemblées de printemps de la BM et du FMI se sont closes sur une note sombre : « La crise économique mondiale s’est transformée en catastrophe humaine et en désastre dans les pays en développement », ont-ils finalement déclarés.Plus personne ne nie désormais que les objectifs de développement du millénaire sur réduction de la pauvreté, sont compromis.

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