Opérateur pivot de l'aide publique française à travers le monde le monde, l'Agence française de développement (AFD) a participé aux débats à Nice, organisés dans le cadre du 25e sommet Afrique-France. Son directeur Afrique, Jean-Marc Gravellini, analyse les enjeux de l'aide à ce continent.
Après les émeutes de la faim en 2008, la France a fait de la sécurité alimentaire l'une de ses priorités. Ce thème ne figurait pourtant pas au programme du sommet, alors même que le Sahel connaît un grave épisode de famine…
C’est vrai que ce thème n’a pas été évoqué de manière précise à Nice. Mais dans la déclaration finale, les participants au sommet s'engagent sur une initiative française qui consiste à mettre en place un fonds d'investissement pour promouvoir l'agriculture et la sécurité alimentaire sur le continent. La fin du premier tour de table doit intervenir en juillet, à hauteur de 135 millions de dollars. A terme, cette initiative devrait permettre de créer un fonds de 300 millions de dollars. Nos partenaires sont, entre autres, la Banque sud-africaine de développement, la BIDC (la Banque d'investissement et de développement de l'Afrique de l'Ouest) et côté français, Sofiproteol, qui regroupe les producteurs d'oléagineux. Par ailleurs, la question de la sécurité alimentaire a été évoquée lors du Forum des affaires, organisé en marge du sommet Afrique-France. On a notamment parlé de la coopération entre la petite agriculture et les groupes agro-industriels. La sécurité alimentaire reste une préoccupation.
Lors du sommet, on a aussi peu ou pas parlé de la lutte contre la pauvreté. On est pourtant à quelques mois du sommet de New York sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)…
C’est un sujet compliqué. Nous sommes très en retard. Mais il faut garder ces objectifs comme une priorité. Il faut que la lutte contre la pauvreté reste une priorité. Les ONG ont peut-être le sentiment que les bailleurs de fonds n’ont pas consacré assez d’argent aux OMD. C’est peut-être vrai. Mais la crise financière est passée par là. Les budgets se sont réduits.
Quelles doivent être les priorités dans les années qui viennent pour remplir ces objectifs?
La priorité doit être de créer de la croissance, des emplois, et de la richesse dans ces pays. Plus de croissance, c’est plus de moyens pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. C'est en travaillant sur la croissance que l'on pourra réduire la pauvreté. Lors de ce sommet, on a beaucoup insisté, à raison, sur le partenariat entre le secteur privé et le secteur public. C'est autant de moyens de créer une activité économique. Il faut toutefois faire en sorte que la richesse créée soit équitablement répartie.
En 2009, l'Agence française de développement a été surtout présente dans des pays non francophones en Afrique. Les deux premiers pays d'intervention sont par exemple l'Afrique du Sud et le Kenya. Assiste-t-on à une réorientation des investissements vers les marchés émergents?
Ce n’est pas un choix stratégique ou unilatéral des autorités françaises ou de l’AFD. Aujourd’hui en Afrique, on a une gamme d’intervention en fonction des secteurs, des finances, des infrastructures et des instruments dont on dispose. Or, on est amené à répondre aux opportunités qui existent dans ces pays, qui disposent d'un environnement économique porteur, où il existe des projets d'investissement et des infrastructures. Ceux-ci sont portés par des structures solides, avec un cadre institutionnel stable, qui permettent de faire des investissements plus important. Il s'agit tout simplement d'une différence de maturité économique entre les différents pays.
Vous avez un exemple précis?
C'est par exemple le cas de l'Ouganda, où on est en mesure de financer des grands barrages hydrauliques, sur la base d'un partenariat public-privé. L'Afrique de l'Ouest a elle aussi des besoins importants dans ce domaine et un fort potentiel hydraulique. Mais dans cette région, on a du mal à financer ces barrages. Les Etats ont connu des crises de la dette. Il n'y a pas d'organisation institutionnelle qui permet de développer des partenariats. Mais encore une fois, ce n'est pas un choix de l'AFD, c'est une conséquence du degré de développement économique de ces pays. Les opportunités sont plus importantes dans les pays émergents.
Cette réorientation des projets de l'AFD se fait donc au détriment des pays les moins avancés (PMA)?
Cela ne se fait pas à leur détriment. On ne demanderait pas mieux que d'intervenir dans les PMA. De cette situation découle la nécessité d'accompagner les réformes économiques et institutionnelles qui permettront de créer cet environnement favorable à l'investissement. La priorité est de réformer ces secteurs.
Source : JDD
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