mardi 7 décembre 2010

L’aide au développement en Allemagne - recommandation de l’OCDE 4

Organisation et gestion : réduire le morcellement du système

Le système allemand de coopération pour le développement reste pour l’essentiel identique à ce qu’il était en 2005, mais l’Allemagne n’en a pas moins engagé un vaste processus de réforme institutionnelle en vue de fusionner trois organismes de coopération technique, de renforcer le BMZ et d’améliorer la coordination interministérielle.

Le BMZ s’occupe de l’élaboration des politiques et stratégies et la mise en œuvre est du ressort de tout un éventail d’organismes exécutants, de divers autres services gouvernementaux, des États fédérés, d’ONG, de fondations politiques, des églises et d’instituts de recherche et de formation.

Sur le plan institutionnel, le système allemand de coopération pour le développement peut se prévaloir de quelques points forts : un ministère dédié (le BMZ) bénéficiant d’une représentation au conseil des ministres, des organismes d’exécution expérimentés, des modalités souples de mise en oeuvre (une fois les contrats signés entre le BMZ et l’organisme exécutant), et de solides compétences techniques. Ce sont toutefois ses nombreux points faibles, en particulier sa fragmentation institutionnelle, qui ont retenu l’attention lors des deux derniers examens par les pairs (en 2001 et 2005), et on les retrouve en 2010.

Le morcellement du dispositif institutionnel allemand a en effet pour inconvénient de (i) semer la confusions chez les partenaires, (ii) obliger le BMZ à consacrer beaucoup de temps à la coordination entre les divers intervenants allemands (peut-être plus qu’à la coordination avec les autres donneurs et les gouvernements partenaires), (iii) risquer de privilégier les solutions dictées par l’offre et de limiter la contestabilité, et (iv) fausser le rapport de forces au profit des organismes exécutants et aux dépens du BMZ, ce qui risque de nuire à la qualité de la supervision.

Le fait que la coopération technique et la coopération financière relèvent d’institutions différentes et que la première passe essentiellement par une aide en nature limite l’aptitude de l’Allemagne à appliquer les principes d’efficacité de l’aide.

A titre d’exemple, en raison du modèle de coopération technique reposant sur une aide en nature normalement employé par la GTZ, l’Allemagne a du mal a opérer une harmonisation avec les autres partenaires au développement et peut difficilement utiliser les systèmes nationaux des pays partenaires.

L’Allemagne aurait donc intérêt à faire de la levée de ces contraintes, et plus particulièrement de celles résultant du morcellement de son système, l’axe central des réformes institutionnelles qu’elle envisage sur le long terme.

La fusion prévue des trois organismes de coopération technique (GTZ, DED et InWent) constitue une première étape bienvenue de cette réforme globale et doit être regardée comme prioritaire.

La réorganisation du dispositif institutionnel allemand devra aussi viser à (i) renforcer considérablement la capacité du BMZ d’assurer la supervision de l’élaboration et de la mise en oeuvre des politiques, (ii) mieux asseoir l’aptitude du BMZ à exercer la haute main sur une politique de coopération pour le développement valant pour l’ensemble de l’administration allemande, et (iii) conduire à une rénovation et une adaptation des modèles de coopération technique et renforcer les liens entre coopération technique et coopération financière.



Accélérer la décentralisation

La recommandation du dernier examen par les pairs concernant la décentralisation opérationnelle reste d’actualité. Dans l’Accord de coalition conclu en octobre 2009, les autorités se sont engagées à améliorer la structure sur le terrain du système allemand de coopération pour le développement. Dans cette optique, il est essentiel que les représentants du BMZ à l’échelon local soient habilités à prendre davantage de décisions et jouissent de plus grands pouvoirs en matière d’élaboration des politiques et stratégies.

Une décentralisation plus poussée du pouvoir de décision, avec les ressources que cela suppose, améliorerait la supervision stratégique de l’aide allemande et pourrait répondre en partie aux préoccupations que suscitent chez certains partenaires de l’Allemagne les délais de prise des décisions et d’approbation. Cela vaut en particulier pour des pays comme la

Zambie, où l’Allemagne assume un rôle de chef de file dans le dialogue à haut niveau sur le soutien budgétaire au service de la lutte contre la pauvreté et sur les stratégies d’aide conjointes.

Une redéfinition par le BMZ et le ministère fédéral des Affaires étrangères de leurs attributions respectives sera également indispensable.

Le BMZ a nommé des Chefs de la coopération dans 38 de ses 57 pays partenaires ; ces postes clés revêtent une importance déterminante pour la bonne coordination et une supervision efficace de la coopération allemande pour le développement.

D’autres mesures ont aussi été prises qui contribuent à rehausser la cohérence de l’action bilatérale de coopération pour le développement, notamment : la création de Bureaux locaux de coopération pour le développement (regroupant les bureaux locaux de tous les organismes exécutants allemands) dans tous les pays partenaires, l’instauration de programmes conjoints (associant tous les organismes exécutants allemands) et la désignation sur le terrain de coordinateurs thématiques (choisis au sein du personnel des organismes exécutants) qui dirigent la mise au point des propositions de programmes conjoints à soumettre à l’approbation du BMZ.

Le rôle de ces coordinateurs thématiques= devrait toutefois être mieux assis et élargi par (i) un avenant à leur description de poste afin de leur ménager un temps suffisant pour s’acquitter de cette fonction, (ii) un renforcement des obligations de comptes des titulaires à l’égard du Chef de la coopération au sein de l’ambassade d’Allemagne, et (iii) une officialisation de la mission auprès du BMZ ainsi que des autres acteurs allemands et locaux.



Continuer d’améliorer le système d’évaluation

Le BMZ s’occupe des règles et normes en matière d’évaluation, de l’assurance qualité et des évaluations stratégiques et, de leur côté, les organismes exécutants et les grandes ONG mènent des auto-évaluations et des évaluations indépendantes. Des améliorations ont été apportées au dispositif d’évaluation de la coopération allemande pour le développement : les divers systèmes d’évaluation ont été harmonisés et un cadre stratégique, des normes et des approches ont été mis en place.

Reste que le dernier examen du système d’évaluation montre que le service de l’évaluation du BMZ ne dispose pas de ressources suffisantes. Ce dernier rencontre de grandes difficultés pour coordonner les activités d’évaluation d’une vingtaine d’organismes d’exécution et de financement publics et non gouvernementaux, appliquant chacun leur propre système.

A eux tous, ces organismes produisent près de 100 évaluations par an, ce qui représente une très lourde charge de contrôle qualité pour le service de l’évaluation du BMZ et met à rude épreuve les capacités d’absorption du système de coopération pour le développement dans son ensemble.

Les mécanismes d’évaluation et de reddition de comptes sur les résultats doivent être encore améliorés, surtout pour ce qui est de l’assurance qualité des évaluations et de l’exploitation des évaluations pour la prise des décisions, et il conviendrait de raccorder les programmes-pays et les dotations en ressources aux résultats et à des cadres d’évaluation des performances des pays partenaires.

Les autorités comptent créer un organisme ou un institut indépendant : d’évaluation. Il s’agit d’une mesure importante qui contribuera à améliorer l’indépendance perçue et la légitimité des évaluations ; cela pourrait aussi rehausser la cohérence au sein du système sous réserve que le nouvel organisme devienne une figure de proue, et dispose des ressources voulues pour ce faire et en ait la mission.

Étant donné que des organismes indépendants d’évaluation se mettent en place dans d’autres pays, l’Allemagne pourrait aussi oeuvrer à promouvoir le partenariat international dans ce domaine.



Recommandations

Afin de consolider son système de coopération pour le développement, l’Allemagne devrait : respecter le calendrier prévu pour la fusion de ses trois organismes de coopération technique et regarder cette dernière comme la première étape d’une refonte globale de son système de coopération pour le développement ; donner suite à ses projets de réforme de l’ensemble de son système de coopération pour le développement – dont l’objectif premier doit être de renforcer considérablement la capacité du BMZ d’assurer la supervision de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et d’exercer effectivement la haute main sur une politique de coopération pour le développement valant pour l’ensemble de l’administration allemande ; poursuivre la décentralisation opérationnelle, ainsi qu’il était recommandé dans le précédent examen par les pairs, ce qui passe par une redéfinition des relations de BMZ et du ministère fédéral des Affaires étrangères sur le terrain ainsi que par un renforcement et un élargissement du rôle des coordinateurs thématiques dans les pays partenaires ; et veiller à ce que
(i) des ressources adéquates soient affectées à la poursuite de l’amélioration de son système d’évaluation et de reddition de comptes sur les résultats, à commencer par la mise en place prévue d’un organisme ou institut indépendant, et
(ii) les programmes-pays et les dotations en ressources de BMZ soient mieux raccordés aux résultats et alignés sur de véritables cadres d’évaluation des performances des pays partenaires.

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