lundi 6 décembre 2010

L’aide au développement en Allemagne - recommandation de l’OCDE 3

Volume, canaux d’acheminement et répartition de l’aide : un impératif pour l’Allemagne : se remettre dans la bonne voie pour honorer les engagements qu’elle a pris concernant le volume de son aide

En 2009, l’Allemagne s’est classée au troisième rang mondial par le volume de son aide bilatérale, derrière les États-Unis et la France et juste devant le Royaume-Uni et le Japon.

Cette année-là, ses apports d’APD se sont chiffrés à 12 milliards USD, 10 % du total de l’APD consentie par les pays membres du CAD. Si l’Allemagne a conservé sa place dans le peloton de tête des apporteurs d’APD, elle n’a en revanche pas augmenté autant qu’elle s’y était engagée la part de son revenu national brut (RNB) qu’elle consacre à l’aide, qu’elle avait promis de porter à 0.51 % pour 2010 et à 0.7 % pour 2015. En 2009, l’APD n’a en effet représenté que 0.35 % du RNB, ce qui ne met pas du tout l’Allemagne en bonne position pour honorer le premier de ces engagements.

Malgré cette évolution récente défavorable et les défis qui se profilent, les autorités restent déterminées à atteindre l’objectif de 0.7 % pour 2015. Le budget de la coopération pour le développement est établi sur la base du budget annuel de la Fédération et d’un plan glissant de financement couvrant une période de cinq ans (l’année en cours et les quatre suivantes). La réalisation de l’objectif fixé au volume de l’aide pour en 2015 représente donc un défi de taille, auquel il convient de s’attaquer sans tarder : il faut en effet que les dispositions nécessaires soient prévues dans le plan de financement pour la période 2011-2015 et le budget de 2012 lui même, qui seront tous deux élaborés au premier semestre de 2011.

S’agissant des domaines où elle intensifie ses efforts de coopération pour le développement, l’Allemagne doit veiller à ce que l’attention accrue qu’elle prête au développement du secteur privé ne la conduise à un détournement de l’APD pour financer des activités d’aide qui seraient dictées par ses propres intérêts commerciaux. Cela implique de trouver des moyens de garantir que les critères de sélection des projets renvoient bien aux avantages escomptés sur le plan du développement et non aux intérêts commerciaux de l’Allemagne.

Par ailleurs, lorsqu’elle a recours à des prêts dans le cadre de sa coopération pour le développement, l’Allemagne doit s’assurer que ceux-ci satisfont tous les critères de l’APD – à savoir avoir pour objectif le développement, être assortis de conditions de faveur et présenter un élément de libéralité d’au moins 25 % (sur la base d’un taux d’actualisation de 10 %) – et évaluer les conséquences que peuvent avoir les remboursements à venir sur les objectifs visés pour le volume net de l’APD.

Le BMZ reste le dépositaire d’un peu plus de la moitié de l’APD allemande, le solde transitant partout un éventail d’autres ministères, d’organismes et d’institutions publiques, d’où des difficultés pour appliquer une politique cohérente de coopération pour le développement. Il apparaît indispensable de renforcer et d’améliorer la coordination de l’APD allemande, au niveau des services centraux comme du terrain, et de faire en sorte que les stratégies relatives aux domaines prioritaires, les lignes directrices et les stratégiespays servent de fil conducteur aux activités de tous ces ministères, organismes et institutions et que ces derniers s’y sentent partie prenante.


Élargir la place faite aux pays partenaires, d’Afrique subsaharienne en particulier

On l’a vu, l’Allemagne s’est efforcée de recentrer sa coopération pour le développement sur un nombre plus restreint de pays. Le nombre de pays partenaires a ainsi été ramené de 84 à 57 depuis le dernier examen par les pairs, ce dont on ne peut que se féliciter, mais ces 57 pays partenaires ont reçu moins de 40 % de l’APD bilatérale consentie par l’Allemagne en 2008 alors que les 60 % restants se sont répartis entre 83 pays qui ne figurent pas dans la liste des pays partenaires. Qui plus est, toujours en 2008, sur les 20 premiers bénéficiaires de l’APD allemande, six n’étaient pas inscrits dans la liste des pays partenaires.

Il semble donc exister des possibilités considérables de renforcer l’impact de l’APD allemande, grâce avant tout à un accroissement des apports aux 57 pays partenaires actuels, à commencer par ceux auxquels il reste le plus de chemin à parcourir pour atteindre les OMD, à savoir les pays d’Afrique subsaharienne, les pays les moins avancés et les pays en situation de conflit ou de fragilité.

L’Afrique demeure la première région bénéficiaire de l’aide allemande, avec 35 % de l’APD bilatérale en 2008. Dans le cadre du G7, l’Allemagne a pris l’engagement en 2005 à Gleneagles de doubler son aide à l’Afrique subsaharienne pour 2010 (par rapport à son niveau de 2004). Comme les autres pays du G7, l’Allemagne n’honorera pas dans les temps ses engagements de Gleneagles. En tant que membre de l’UE, l’Allemagne s’est en outre engagée, toujours en 2005, à affecter à l’Afrique subsaharienne la moitié de ses apports supplémentaires d’APD.

L’APD bilatérale allouée par l’Allemagne à cette région a certes considérablement augmenté (de 1.4 milliard USD en 2004 à 2.7 milliards USD en 2008), mais cette augmentation est loin de représenter 50 % de l’accroissement qu’a connu l’APD bilatérale allemande au cours de la même période. Qui plus est la part de l’Afrique subsaharienne dans l’APD bilatérale brute de l’Allemagne n’a que peu progressé, de 27 % en 2004 à 29 % en 2008.

L’Allemagne a renouvelé sa promesse d’affecter à l’Afrique subsaharienne 50 % de ses nouvelles dotations d’APD bilatérale en 2009 et 2010, et a informé le Comité que les engagements fermes nécessaires avaient été pris. Cela dit, il ressort de la récente enquête sur les engagements d’aide des membres du CAD que l’APD bilatérale allemande continuera de prendre le chemin avant tout de pays à revenu intermédiaire. La concrétisation des engagements de Gleneagles est indubitablement importante pour faire reculer la pauvreté dans une région clé du monde, et aussi pour préserver la crédibilité de l’Allemagne en tant que grand donneur jouant rôle majeur au sein du système international.



Remplacer les allégements de dette par d’autres formes d’aide

Depuis plusieurs années, les allégements de dette occupent une grande place dans la coopération allemande pour le développement. Or, les possibilités dans ce domaine commencent à s’épuiser, de sorte que ce type d’opérations devra céder la place à d’autres formes d’aide, multilatérale et bilatérale, pour que le volume de l’aide puisse augmenter, ou à tout le moins être maintenu.

La diminution des allégements de dette est d’ailleurs la principale raison de la baisse du niveau de l’APD allemande en 2009. L’Allemagne serait en conséquence bien inspirée de planifier la transition vers d’autres utilisations et canaux d’acheminement de son aide.

Adopter une démarche plus stratégique à l’égard de la collaboration avec les organisations non gouvernementales

L’Allemagne achemine 6 % de son APD par le canal d’organisations non gouvernementales (ONG), dont elle se montre très attachée à garantir l’indépendance. Elle devrait toutefois arrêter une stratégie claire pour régir sa collaboration avec ces organisations, qu’elles soient allemandes ou du Sud.

La plupart des ONG jouissent d’une liberté considérable quant à l’utilisation des ressources d’APD qui leur sont confiées, mais la chaîne de responsabilité qui les unit aux institutions gestionnaires de la coopération allemande pour le développement est trop lâche. Les autorités allemandes doivent trouver un juste équilibre entre le souci de respecter l’autonomie des ONG et la nécessité de les encourager à pouvoir faire état de résultats sur la voie du développement et aussi à s’aligner sur les priorités des pays partenaires. Il conviendrait de trouver des moyens d’améliorer l’utilité des consultations avec les ONG sur les politiques et stratégies de coopération pour le développement. Une solution serait de les faire débuter à un stade plus précoce du processus d’élaboration des politiques. L’Allemagne aurait donc intérêt à inscrire ses relations avec les ONG dans une démarche stratégique.

Dans cette optique devraient notamment être mis en place divers mécanismes pour encadrer l’acheminement de fonds par l’intermédiaire d’ONG, par exemple des accords-cadres au niveau des services centraux ou des pays partenaires. Une telle approche est importante pour garantir que l’attention reste centrée sur les résultats.



Recommandations

Afin d’honorer ses engagements et de conserver sa crédibilité, l’Allemagne devrait :
(i) fixer, dans son projet de budget pour 2012, de nouvelles cibles annuelles réalistes et proposer un sentier de croissance plausible pour la concrétisation en 2015 de l’objectif de 0.7 % du RNB,
(ii) veiller à ce que ces nouvelles cibles et ce sentier de croissance rallient l’adhésion des dirigeants politiques (de toutes tendances) et soient largement diffusés,
(iii) remplacer les allégements de dette par d’autres modes de coopération pour le développement à mesure que se raréfient les créances à effacer ; concentrer plus encore son APD bilatérale sur ses pays partenaires, à commencer par ceux situés en Afrique subsaharienne et ceux en situation de conflit ou de fragilité ; renforcer son programme en faveur du secteur privé de telle sorte qu’il encourage des investissements étrangers et intérieurs dans des domaines conformes avec les stratégies de développement des pays partenaires, en veillant à ce qu’il n’en résulte pas un détournement de l’APD pour financer des activités qui seraient dictées par ses propres intérêts commerciaux ; et élaborer un cadre stratégique pour régir la collaboration avec les ONG, qui expose les motifs qui en font un canal utile pour l’acheminement de fonds, définisse la nature des relations avec ces dernières, consolide le partenariat et assure un ciblage sur les résultats du développement.

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