vendredi 3 décembre 2010

L’aide au développement en Allemagne - recommandation de l’OCDE 1

Orientations juridiques et politiques. Un nouveau projet stratégique pour un des donneurs les plus généreux du monde.

L’Allemagne est un des donneurs bilatéraux les plus généreux au monde depuis une vingtaine d’années et a joué un rôle moteur dans des domaines essentiels comme l’établissement d’un lien entre changement climatique et développement. La Déclaration du millénaire, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la lutte contre la pauvreté et la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide restent les déterminants du cadre stratégique régissant la politique et les objectifs de l’Allemagne en matière de coopération pour le développement.

Tout en confirmant ses engagements au regard de ce cadre stratégique, le gouvernement fédéral a promis l’année dernière un changement de cap manifeste dans la coopération allemande pour le développement. Le nouveau projet est exposé dans l’Accord de coalition d’octobre 2009, mais ses conséquences concrètes, de même que celles d’autres déclarations faites depuis lors, restent difficiles à cerner.

Le ministère fédéral de la Coopération économique et du développement (BMZ) devra préciser ce que le changement de cap prévu par le gouvernement impliquera sur les plans stratégique et pratique, pour lui comme pour ses partenaires, et en particulier les répercussions qu’il aura sur les nombreux engagements, politiques et stratégies mis en place depuis le précédent examen par les pairs. Il devra aussi expliquer, à ses propres agents ainsi qu’aux autres acteurs allemands et aux partenaires de l’Allemagne, pourquoi ce changement a été jugé nécessaire.



Une concentration de l’APD dans un souci de résultats

L’Allemagne a abandonné l’expression « pays partenaire prioritaire », et recentré son attention sur 57 pays partenaires (au lieu de 84 il y a cinq ans) suivant en cela une des recommandations formulées dans le précédent examen par les pairs (en 2005). Ce recentrage est le fruit de l’application de critères de sélection plus rigoureux et d’une hiérarchisation des priorités.

Les 57 pays partenaires bénéficient en conséquence d’une coopération plus intensive, et pour chacun a été élaborée une stratégie-pays, en règle générale alignée sur la stratégie nationale de développement. La coopération de l’Allemagne avec les économies émergentes (encore appelées « Ankerländer ») évolue pour se focaliser sur les stratégies régionales et les biens publics mondiaux.

Dans ce contexte, l’Allemagne a recours à la coopération trilatérale de manière à mobiliser des ressources humaines et financières allemandes en vue de les associer à des contributions des économies émergentes. Il s’agit d’une démarche novatrice qui allie des objectifs de politique étrangère et de développement afin de contrer des menaces et des défis de dimension planétaire.

L’Allemagne a également resserré son ciblage sectoriel et concentre désormais ses efforts sur onze secteurs prioritaires. Dans chaque pays partenaire, elle limite ses interventions à trois de ces secteurs au maximum. Cette concentration accrue de la coopération allemande pour le développement est encourageante mais l’éventail des pays et des secteurs dans lesquels l’Allemagne intervient n’en demeure pas moins large et n’atteste pas d’une vision stratégique bien précise.

Les déclarations de l’Allemagne depuis octobre 2009 ont ramené à sept le nombre de domaines d’intervention prioritaires de la coopération pour le développement : bonne gouvernance, éducation, santé, protection du climat, de l’environnement et des ressources naturelles, développement rural, développement du secteur privé et développement économique durable.

Reste qu’il faudra un certain temps avant que ces nouvelles priorités se reflètent dans le programme de coopération pour le développement et les versements d’aide. Qui plus est, pour garantir une division efficace du travail, les décisions relatives aux pays et aux secteurs dans lesquels il convient d’intervenir devraient être prises au niveau du terrain, en concertation avec les autres donneurs.

Dans le droit fil de l’attachement affiché par l’Allemagne à l’égard des OMD ainsi que des engagements qu’elle a souscrits à Gleneagles dans le cadre du G7, les politiques et stratégies du BMZ font une plus large place à l’Afrique subsaharienne, et en particulier à 24 pays de cette région, que ce n’était le cas à l’époque du précédent examen par les pairs. En matière de coopération pour le développement, les priorités de l’Allemagne pour cette région concernent avant tout l’éducation et la santé, la bonne gouvernance, l’agriculture, la protection des ressources naturelles et en eau (à commencer par la réduction des effets du changement climatique sur les approvisionnements en eau et l’agriculture), et le développement économique durable. Dans l’avenir, l’Allemagne entend mettre l’accent sur le développement du secteur privé, et aussi sur l’amélioration du climat de l’investissement et des infrastructures économiques, dans le domaine de l’énergie notamment, afin d’accroître le potentiel économique du continent.

Pour honorer la composante financière des engagements qu’elle a pris à Gleneagles, l’Allemagne se doit toutefois d’accorder plus de place à l’Afrique subsaharienne dans sa stratégie d’ensemble et la répartition de ses ressources. Il lui faudra aussi prêter une plus grande attention aux situations de conflit et de fragilité, lesquelles constituent des obstacles majeurs pour la réalisation des OMD dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne.





Une nouvelle stratégie d’aide multilatérale

Depuis de longues années, l’Allemagne a pour principe de ne pas allouer plus d’un tiers de son APD au canal multilatéral (y compris l’UE). Cette limitation du recours aux organismes multilatéraux n’est pas fondée sur l’observation des faits, ni liée à l’efficacité relative de l’aide bilatérale et de l’aide multilatérale.

Le BMZ met actuellement au point une stratégie vis-à-vis des organisations multilatérales, ce qui offre à l’Allemagne l’occasion de réaffirmer les raisons qui la poussent à acheminer des fonds par l’intermédiaire de ces entités ainsi que d’arrêter ses priorités pour la réforme du système multilatéral et les critères d’affectation de ses financements multilatéraux. Cette nouvelle stratégie devrait aussi exposer clairement comment le recours aux canaux multilatéraux peut servir les objectifs de développement poursuivis par l’Allemagne.



Nécessité d’un rôle plus central en ce qui concerne l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes

L’Allemagne continue de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation économique des femmes dans son dialogue avec les pays partenaires et à travers ses programmes. Reste que, si les principaux organismes exécutants s’appliquent bien à prendre en compte la problématique homme-femme et intègrent dans leurs programmes des mesures ciblées propres à renforcer les moyens d’action des femmes, l’impulsion venue d’en haut est insuffisante à l’échelle du système de coopération pour le développement dans son ensemble.

La stratégie et les directives édictées par le BMZ en la matière doivent trouver un ancrage plus ferme dans les activités de tous les organismes intervenant dans la mise en oeuvre de l’APD allemande, à commencer par les autres ministères. En outre, la capacité du BMZ d’emmener l’action en faveur de l’égalité homme-femme est limitée par la maigreur des ressources humaines affectées à ce domaine d’intervention dans ses services centraux comme sur le terrain.

Le BMZ serait en conséquence bien inspiré d’étoffer les moyens alloués au traitement de cette question dans ses services centraux et sur le terrain afin de s’acquitter plus efficacement de son rôle de pilote au niveau de l’ensemble du dispositif allemand de coopération pour le développement.



source OCDE

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